lundi 4 septembre 2017

Muscari: l'art du jardin à la carte


Le souffle chaud de l’été est parfumé d’aromates sauvages. Je demeure inerte, les pieds enracinés dans ma terre pour savourer cet instant. Les lupins sauvages commencent à s’éteindre comme le dernier soupir d’un tison. Les pommiers laissent tomber leurs pétales vaporeux, car bientôt le fruit viendra. Les aubépines lèvent la tête avec leurs bourgeons porteurs de douceur. Éventuellement, la verge d’or envahira ce tableau serein balayé au gré du vent du fleuve. J’accueille tous ces parfums sauvages réchauffés par le soleil. Je ferme les yeux le temps d’un instant et je me laisse transporter. Un soupir qui gonfle mes poumons avec le vent du large et la terre chaude me ramène à la réalité. Les immortelles, ces fleurs dont le parfum demeure longtemps après que les pétales tirent leur révérence, plaisent mon regard en venant me chercher. C’est ça être jardinier et mon jardin est une méditation à ciel ouvert. On dit que le bout du monde et le fond d’un jardin décèlent les mêmes merveilles. Pour moi, jardiner est avoir la nature à fleurs de pot.

Chaque saison, apporte de nouveaux yeux. Je vois ce qui m’entoure et j’en suis reconnaissante. Je pense aussi au travail qui m’attend. La réalité me frappe et mon inspiration est ramenée à la réalité. J’ai besoin d’aide. Ce n’est pas une capitulation, c’est une stratégie dictée par LEEDv4 et l’aménagement paysager de notre maison. Toujours en quête de cette certification internationale, je revois les exigences LEEDv4 au niveau de la gestion de l’eau, des ilots de chaleur, et tout le tralala. Mon soupir me trahit. J’aimerais mieux jouer dans les quelque cent mille pieds carrés de terrain, au lieu de mesurer et de justifier ma démarche, mais rigueur oblige. Malgré les quelque dix mille fiches de Pinterest sur le jardinage et la permaculture que j'ai accumulée pendant les trois dernières années, cette terre rocheuse suscite des inquiétudes. Ma voisine Jocelyne me suggère son horticultrice avec tout un bagage de louange. Je le vois de mes yeux. Leur terrain est à couper le souffle par le choix des plantes et leur disposition comme si elles avaient toujours été là. C’est donc avec aplomb, que je retourne chez moi, après un diner copieux entre filles, et j’appelle Julie Gauthier, propriétaire de Muscari, un service d’horticulture à la carte. J’aime déjà le nom. Muscari, petite fleur tenace d’un mauve vibrant et dont le parfum évoque le désir de tout arrêter pour l’apprécier.

Julie Gauthier, propriétaire de Muscari, le jardin à la carte
Julie Gauthier est une jeune femme au sourire facile, aux yeux noirs pétillants, et une intelligence vive. Sa capacité d’écoute démontre un respect sincère pour les besoins de sa clientèle. Sans prétention, elle me suit pendant notre visite initiale du terrain. Mon débit incessant me donne l’impression de faire du coq-à-l’âne, car je ne veux rien oublier. Pourtant, j’avais écrit ma stratégie avec deux messages précis : réaliser un aménagement extérieur LEED v4 et le faire moi-même. Le concept du jardin à la carte était la formule qu’il me fallait. Nous n'avons pas perdu de temps. Une belle synergie s'est installée en tissant un lien de confiance. J'étais impressionnée par ses connaissances qu'elle partageait avec moi discrètement. Son expérience en dit beaucoup. Je lui montrais des plantes et elles les identifiait me permettant ainsi de faire l'inventaire. C'est, comme elle le dit bien, une fille de terrain qui connait bien les végétaux et leur botanique. Moi j'ai vu quelque chose de plus. Julie a à cœur son coin de pays charlevoisien, elle le connait très bien et dans ses interventions avec moi, elle cherche à la conserver. Dans son approche, elle ne bouleverse pas la nature pour en faire un tableau rase. C'est plutôt avec un tact qui lui est tout à fait naturel, que Julie me fait découvrir les perles cachées, les saisons à venir et qui me donne le goût de voir l'horticulture autrement. Je comprends maintenant que la plus belle qualité d'un jardinier est de donner le temps au temps parce que la nature fait bien les choses. On ne peut pas être plus écolo que cela!

Solide de son expérience d’horticultrice, Julie Gauthier offre un service à la carte. Le concept est génial avec les options suivantes : le jardin illustré fournit une image virtuelle avec Muscari Design pour visualiser l’aménagement personnalisé. Le jardin avisé, celui que j’ai choisi, nous permet de réaliser nous-mêmes les travaux d’horticulture tout en profitant du service-conseil de Julie. Elle répond à toutes nos questions et fait des recommandations. Le jardin assisté propose de faire les travaux avec le client dans une symbiose toute simple que ce soit pour les tâches de plantation, de division de vivaces, taille de haies, désherbage ou autre. Le jardin spontané offre une souplesse sur mesure. Grâce aux conseils de Julie et de son service-conseil, nous avons atteint les cibles de LEEDv4, et transformé un défi en épanouissement.

Quelqu'un a dit que le bonheur est l'art de faire un bouquet avec les fleurs qui sont à notre portée. L’aménagement paysager est un de nos projets évolutifs. Puisque la saison est courte dans Charlevoix, l’aménagement de notre forêt nourricière se fait au gré des saisons. J'avoue que l'entretien des sous-bois et l’élagage des pommiers semblent une tâche monumentale pour les novices que nous sommes.
La première phase de notre projet est l’aménagement du terrain immédiatement en périphérie de la maison pour répondre aux exigences LEED v4. J'ai divisé cette partie de notre terrain en zones spécifiques. Nous visons principalement : la réduction des ilots de chaleur, l’écoulement des eaux, la récolte de l’eau de pluie et un jardin pluvial.  Le tout doit être réalisé en intégrant des stratégies écologiques et prenant en considération notre microclimat le long du fleuve.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     
Pour ce faire nous avons dû assurer les étapes suivantes :

·        Faire un inventaire des plantes indigènes

·        La pelouse étant interdite pour LEEDv4, nous avons semé du trèfle blanc (100%) devant la maison, 15%  sur les côtés et à l’arrière.

·        Il n’y aura pas d’irrigation; l’eau est approvisionnée par les barils d’eau et les averses

·        Il y a 18 pouces de gravelle de couleur pâle autour de la maison en guise de bande de propreté et pour le chemin donnant accès au garage et l’entrée principale de la maison. Les autres entrées sont en trèfle.

·        Les zones que nous entamons cette année en périphérie immédiate à la maison sont les suivantes :
Zone A : haie mixte indigène comme brise-vent et nous donner de l’intimité ; cette haie longe la clôture en perches le long du chemin principal et se compose de rosiers, framboisiers, sureaux et d’une arbustaie mixte. Nous intégrons des sapins baumiers pour former un écran contre le vent et nous donner plus d’intimité.

Zone B : Haie de lilas : le long de notre chemin privé (perpendiculaire au chemin principal) qui mène à  notre résidence;  pour contrer la possibilité d’ilot de chaleur qui réchaufferait la maison l'été, protéger la section G, empêcher l’érosion du sol, intercepter la neige, attirer les oiseaux et les abeilles (recommandé par Agriculture et agroalimentaire Canada); les lilas sont présentement d’une hauteur moyenne d’un mètre. D’ici 10 ans, ils auront atteint environ 7 mètres de hauteur et seront en mesure d’ombrager notre chemin privé l’été.

Zone C : Végétation mixte entourée par les zones G, B, H, F; arbres matures comme érable champêtre, aulne, amélanchier, aubépine, sorbier des oiseaux, peuplier tremble, sapin baumier, thuya, pommier, gadellier, sureau du Canada et vivace comme la verge d’or, Lysimaque, fougères rustiques et chardon. La zone C procure de l’ombrage sur le jardin pluvial, le jardin xérophile, l’entrée de cour devant la maison et le garage.
Zone D : tuyau : purge pour puits; se vide dans le fossé le long de la ligne séparant les terrains (au besoin); ce fossé a été creusé pour le drainage des eaux de pluie en provenance du chemin principal pour permettre l’écoulement vers le bas du terrain.

Zone E : Haie de cèdres : brise-vent le long de notre chemin privé à l’arrière de la maison menant au fleuve : empêche l’érosion du sol, et aide dans l’écoulement des eaux. 
Zone F : zone de forêt mixte : ne sera pas touchée puisqu’elle est habitée par des cerfs de Virginie (preuve de leurs ravages été comme hiver). Nous avons compté 11 cervidés dans un même instant sur notre terrain. Ils se nourrissent des arbres fruitiers et de baies sauvages dans nos arbustaies. Les arbres leur fournissent un canapé contre les intempéries. Toutefois, les pommiers recevront un élagage pour prévenir la maladie ainsi que des interventions respectant leur propriété bio pour complémenter l’écosystème comestible existant. (Principe de la permaculture de David Holmgren)

Zone G : permaculture : cette zone sera faite en étapes : plantation de bleuetiers, fraisiers, plantes comestibles et médicinales; les arbres fruitiers qui seront ajoutés seront les poiriers et les pruniers (Espèces rustiques importées par les premiers colons français Réf. Université Laval)
Zone H. jardin xérophile : jardin de méditation très zen;  sans irrigation, plantes indigènes, pierres trouvées sur le terrain, pour éliminer les ilots de chaleur, empêcher l’érosion du sol, contrôler l’écoulement des eaux. Nous allons ajouter une variété de graminées.

Zone I : Potager sur tables adaptées pour accès universel pour personnes âgées et avec mobilité réduite : potager de cuisine, plantes comestibles, plantes médicinales, table de propagation (boutures, semis, etc.); sont installés près de la maison pour bénéficier de l’eau provenant des barils d’eau
Zone J : Jardin pluvial : il existe depuis l’automne dernier et nous avons pu en bénéficier lors de la fonte des neiges au printemps; composé de géotextile et de gravelle, il récolte les eaux provenant de la section G (assise rocheuse)

Zone K. Jardin de graminées : à l’entrée principale, pour ajouter de la verdure.
Zone L : Potager : Design d’accessibilité universelle pour personnes à mobilité réduite: potager de cuisine, plantes comestibles, médicinales, aromatiques, table de propagation (boutures, semis) arrosé par nos barils de pluie.

Finalement, le plan a été soumis à Benjamin Zizi, notre évaluateur écologique LEED Habitations chez Écohabitation pour soumettre notre dossier LEEDv4. Il fut, non seulement impressionné par notre application des concepts de permaculture, du jardin xérophile et de la forêt nourricière, mais aussi par Charlevoix et son bleu polymorphe entre mer et montagne. Au cours des prochaines semaines, je vous ferai visiter les zones de notre aménagement extérieur, même mon jardin secret.

Malgré la rigidité des normes pour obtenir la certification LEEDv4  au volet de l'aménagement paysager, c'est ce volet qui me donne une de mes plus grandes satisfactions de construire écolo. La raison est simple. Je touche la nature directement et elle vient me chercher. C'est une belle symbiose, un harmonie naturel qui fait partie des mystères de la vie. Où je ne voyais qu'un dur labeur, je vois maintenant un projet de retraite très sain, très simple, au rythme des saisons de la nature et de notre vie.