samedi 19 décembre 2015

La beauté inhérente de l'architecture des immigrants


Griffintown 1896
Je suis une flâneuse subversive. Pendant que je marche dans Griffintown, un des quartiers les plus anciens de Montréal, je pense aux symboles d’outre-tombe ou plutôt à ce prolongement d’une conscience qu'une époque hante encore son ancien quartier. Cette conscience, je la perçois dans le langage secret de l'architecture. Je la recherche pour qu'elle me parle. Je veux qu'elle m'explique pourquoi un quartier, qui puise ses racines irlandaises enfouies dans la misère, nous porte à croire qu’il y a une beauté inhérente dans l’architecture qui a habité tout ce grand dénuement. Pourtant, les édifices stoïques sont loin d’être opprimants malgré leur caractère autoritaire qui nous rappelle la situation économique qui les a érigés. Je pense à ma mère quand on marchait dans la basse-ville à Ottawa et qu'elle jetait un regard attendri sur les vieilles maisons qui soupiraient le long des rues qui avaient connu l’accent des Franco-ontariens et des familles juives au début du siècle dernier. Elle disait toujours dans un demi-soupir : ah si les murs pouvaient parler. Je ne me souviens plus si je pouvais détecter un sentiment de regret ou de résignation, mais ne sont-ils pas deux éléments qui composent la nostalgie?
Des rues figées dans le temps
En sillonnant les trottoirs étroits dans Griffintown, je respire ce sentiment de nostalgie qui ne m'appartient pas. Cette culture et cette époque n’ont rien à voir avec moi. Pourtant, je m’y attache en toute liberté. Son éloquence vient du langage silencieux de son architecture iconique. On a parfois reproché à la ville de Montréal de ne pas se démarquer par son architecture comme si elle voulait demeurer modeste après Expo 67 et les Olympiades de 1976. Le nouveau pont Champlain en a réveillé quelques-uns de leur torpeur pour son débat entre le pragmatisme versus une signature iconique. Jusqu’où l’on peut donner carte blanche dépend de notre tolérance de l'architecture que je qualifie de générique. Au fond, l’architecture audacieuse ne doit-elle pas représenter notre culture identitaire? 
La revitalisation du quartier
Après mûre réflexion, un peu amusée par mes rêveries, je conclu que c’est le patrimoine qui prime et c’est pourquoi Griffintown est si important. Ses édifices en brique et aux grandes fenêtres, où jadis les gens travaillaient d'arrache-pied pour leur pain quotidien, sont maintenant des lofts boho ultra chic. Certes, il y a des condos minimalistes qui parsèment les rues de Griffintown, mais ce sont les grandes dames en brique rouge qui ont le dernier mot. Selon moi, si la valeur patrimoniale inhérente de l’architecture a été préservée, la transformation en valait la mèche. Donc garder la coquille de l'édifice pour transformer l'intérieur selon les nouveaux codes de bâtiment et les considérations écologiques est une approche réaliste. Cependant, le patrimonial a-t-il sa valeur pour toutes les cultures qui forment notre société? Est-ce
Les bistros boho chics de Griffintown
qu'il y a un discours ethnique plus important que les autres quand on veut conserver l'architecture dite ancestrale, pour ne pas dire iconique? C’est en regardant les annonces immobilières qu’on se pose souvent la question pour la désignation ancestrale d’une demeure. Donc, le patrimoine des familles souches a-t-il plus de valeur que le patrimoine des immigrants qui sont venus ici pour commencer une nouvelle vie avec une vision différente? Griffintown est la réponse  vivante de cette dichotomie et je peux vivre avec cette réponse car ses racines sont plus profondes que l'on croit.
L’histoire de Griffintown retourne loin dans son sens le plus pur du mot. En 1654, les Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph reçoivent ce fief qu’elles transfèrent en 1792 à Thomas McCord qui le
Maison des immigrants irlandais 1896
vend à Robert et Mary Griffin. Le canal de Lachine voit le jour en 1825 et la population commence à peupler le quartier. Ce sont des Irlandais débarqués de Grosse-Île en 1847 qui s’installent pour construire le pont Victoria et le canal de Lachine. Je m’imagine Griffintown à cette époque comme le quartier de Whitechapel à Londres pendant la même époque quand Jack L’Éventreur hantait les ruelles sombres en quête de nouvelles proies. La légende de Griffintown veut que Mary Gallagher
Lieu du meurtre de Mary Gallagher
, une prostituée assassinée brutalement par une autre femme, vienne hanter la rue William. Susan Kennedy, la meurtrière, aurait décapité la pauvre Mary à coups de hache pour déposer sa tête dans un panier parce qu’elle partageait le même client et que ce dernier semblait préférer Mary. Légende urbaine oblige, Mary revient tous les sept ans sur la rue William à la recherche de sa tête. Pour ma part, ma visite à Griffintown n’est pas pour rechercher la tête de cette pauvre femme, mais de dénicher quelques antiquités ou objets trouvés.


Donc, nous voilà sur la rue William à la recherche d’ARTÉ,  L’Artisan du Renouveau et de la Transformation Écologique, un centre de réemploi des écocentres de la ville de Montréal. Un de nos buts pour la construction de notre résidence est d'être écolo et ceci implique la réutilisation du matériel au lieu d'acheter tout du neuf. J’aime le contraste des formes et des textures anciennes avec les lignes épurées de nos plans de maison. C'est un beau dialogue entre les époques qui démontre non seulement une synergie symbolique, mais aussi un message important : que la réutilisation des matériaux du passé ou mis aux rebus est aussi noble que l’utilisation de la pierre et du bois comme matière première. La valeur ancestrale de ces pièces architecturales a une résonnance particulière parce qu'on lui donne une deuxième vie. La visite chez ARTÉ fait l’objet du prochain billet, car ce que nous avons trouvé vaut sa propre histoire.
Pour ce qui en est de Griffintown, nous reviendrons souvent, pas pour voir les nouveaux condos, mais pour marcher le long des grands murs en brique rouge qui nous chuchotent un passé qui fait partie de notre patrimoine parce qu’il y a eu plus d’un peuple ici qui a livré le même combat de vie. La preuve : nous sommes tous encore là.                                                                                                        

 

jeudi 5 novembre 2015

La Maison Edelweiss d'Écohabitation : une beauté soutenable


 De prime abord, la maison est superbe. C’est la première impression lorsque les lignes pures et minimalistes de la Maison Edelweiss apparaissent au centre de la verdure qui l'encadre. Cette résidence semble fusionnée au site naturel comme si elle avait toujours été destinée à être là. Nichée sur un terrain boisé à Wakefield Québec, à environ une demi-heure d’Ottawa, cette maison représente les efforts de recherche et de labeurs cumulatifs d’Emmanuel Cosgrove, Mike Reynolds et Yanni Milon ainsi que l’expertise de Denis Boyer dans le domaine de l’efficacité énergétique. Cette équipe de passionnés a entrepris de construire la première maison de LEED v4 au Canada et à se joindre à la prestigieuse certification du Club Platine. Non seulement ont-ils réussi à obtenir ce prix convoité, mais ils sont aussi la deuxième maison LEED v4 certifiée platine dans le monde. Le Conseil du bâtiment durable du Canada reconnait que la Maison Edelweiss est un accomplissement phénoménal. Pas étonnant depuis qu’Écohabitation établit la norme pour les pratiques de construction soutenable, tout en réduisant l’impact sur l’environnement qui en elle-même n’est pas une mince affaire. Non seulement Écohabitation a prouvé son leadership dans ce domaine, mais soutient avec ferveur ce qu'ils prêchent par la construction de la maison de démonstration en offrant une expérience pratique pour néophytes et professionnels intéressés dans la construction verte.

Nous avons assisté à un atelier-visite d’une journée animée par Emmanuel Cosgrove allant de la conception à la construction. Le concept est novateur. La Maison Edelweiss est une maison de démonstration portant sur la construction d’une maison hyperperformante abordable. En outre, lorsque vous commencez à faire les calculs, vous vous rendez compte que cette spacieuse maison à aire ouverte aura un coût quotidien en électricité inférieur à ce que vous payez pour votre café du matin. Et si vous conduisez une voiture électrique pour vous rendre au boulot et revenir d’Ottawa, il vous en coûtera moins que le café du matin et un bagel. Donc, si vous vous inquiétez au sujet du coût initial de la construction écologique, le résultat est que ça va payer pour soi-même une fois que vous mettez la clé dans la porte. Écohabitation nous donne un essai routier. Vous pouvez toucher, voir, poser des questions et partager vos préoccupations avec les autres participants. Cette maison fait partie de la nature environnante et non l’inverse. Lorsque vous entrez dans la grande salle, la fenestration abondante laisse littéralement l’extérieur entrer dans le décor avec un filtre de lumière naturelle à travers les arbres qui sont si près que vous croyez pouvoir les toucher. Cela a un effet apaisant ajoutant à l’aura sereine de la maison. Je pourrais facilement me voir y vivre. Nous sommes des baby-boomers et pour toutes les autres maisons que nous avons visitées, parfois ces demeures n'étaient pas conviviales en particulier pour l’accès si vous souhaitez vivre aussi autonome que possible. Cette maison est aussi un excellent logement pour les couples ou les familles en tant que résidence permanente ou maison de vacances.

Cette résidence de 1,386 pieds carrés a été construite avec un budget accessible pour l’acheteur moyen. Il est un bon investissement à tous les égards et facile à entretenir car parfois, avoir une maison verte est un engagement à long terme. Ensuite, il y a l’effet Cosgrove. Emmanuel aime intégrer la récupération architecturale dans ses conceptions durables telles que les portes anciennes qui complimentent le design épuré de cette maison. Le contraste entre les portes anciennes et les lignes modernes minimalistes des intérieurs de la maison incorporent un beau message sur le maintien des éléments du passé vers l’avenir. Le comptoir de cuisine en quartz est fait de verre et les miroirs recyclés. Les participants ce jour-là ont été impressionnés par sa texture satinée. Un intérêt particulier a également été le bois récupéré du fond de la rivière des Outaouais utilisé pour rendre le plafond vouté. Le bois a été conservé sous l’eau pendant des décennies et fait partie du patrimoine culturel de la région depuis qu’il a été abattu il y a des générations. Le travail du grain dans ce bois est inégalé. Le plafond vouté de la grande salle et certains ouvrages de menuiserie ont été fabriqués avec le bois récupéré. Il y a aussi un usage de l’ardoise dans les salles de bains donnant une texture cossue pour les murs et les planchers. Le revêtement extérieur par Riopel de couleur gris anthracite est accentué par la garniture noire et la porte bourgogne ce qui donne à la maison un look feutré. Mais ce qui saura sûrement attirer votre attention est la toiture végétalisée qui assurera non seulement l’économie d’énergie tout en améliorant la qualité de l’air et de la biodiversité, mais conservera également les eaux pluviales et agira comme isolant acoustique. Les toits verts ne sont pas un nouveau concept. On les réalise depuis plus de sept cents ans en Europe. Il est logique de commencer l’écologisation de nos toits. Environnement Canada indique que s’il y avait plus de toits verts, par exemple à Toronto que la température l’été descendrait de 2 degrés en raison de l’effet de refroidissement des toits verts.

Dans l’ensemble, notre journée à la Maison Edelweiss a répondu à plusieurs questions et par le fait même, provoqué la réflexion. De retour à la maison, nous avons consulté nos propres plans de maison et nous nous sommes mis à repenser certaines des principales composantes avant d’exécuter des simulations de modélisation de l’énergie. La Maison Edelweiss vous donne le meilleur des deux mondes: le concret pratico-pratique et les conseils d’experts dans la matière de la construction résidentielle soutenable. Écohabitation est non seulement le leader par la démonstration fiable, il est également un avant-gardiste qui peut être mesuré, évalué et transparent parce qu’il est là avec toutes les données. Vous ne pouvez pas demander mieux. La seule question qui reste est, où vont-ils nous mener dans leur prochaine aventure? Tout cela pour dire que la véritable écoconstruction durable est une approche consciente de la conservation écologique et énergétique et si elle est magnifiquement conçue, elle ressemble à la Maison Edelweiss. Pour en savoir plus à propos de la Maison Edelweiss et Écohabitation,  une visite à leur site internet vaut bien l’effort au www.ecohabitation.com

vendredi 28 août 2015

Le sourire d'Annabel



Pierre travaille sur nos plans
Pierre est doué pour travailler avec les détails. Moi c’est le grand portrait. Notre focus est différent et c'est une belle complicité. Il y a tellement de choses qui m’échappent et que je compte sur Pierre pour cerner. De mon côté, j’ai toujours évité la linéarité. Je préfère les sauts quantiques pour analyser des systèmes complexes sans les rendre compliqués. Mon esprit de synthèse est mon outil de prédilection. Pourquoi aller de A à B en ligne droite quand on peut explorer et aller ailleurs? Je suis persuadée qu'il y a toujours plus qu'une solution et que la bonne réponse c'est celle qui marche. C’est mon modus operandi. Apparemment, mon conjoint trouve que je conduis ma Subaru de la même façon que je cogite, rarement en ligne droite. Mon excuse : j’ai appris à conduire en campagne et le paysage rural m’allume plus que de suivre une ligne blanche sur un ruban de macadam sans fin.
Revenons à nos moutons. Lorsque Pierre et moi parlons des plans de construction, nous disons essentiellement la même chose, car nous partageons la même vision, cependant, notre langage est différent. Par exemple, nous aimons la technologie, mais nous la voyons différemment. Pierre est très pratico-pratique. Moi non. Je veux voir qu’elles seraient d’autres applications pour le même bidule. Donc, lorsque nous discutons des plans de construction, notre interlocuteur doit agir comme un filtre et travailler intuitivement au niveau de notre subconscient. Ensuite, l’interlocuteur traduit la trame de notre pensée dans un langage vernaculaire. Ce n’est pas une mince affaire. Ainsi, que faire avec le langage silencieux de l’architecture? Ça prend le sourire d’Annabel.
Première rencontre de l'équipe sur le terrain
Nous avons rencontré Annabel Arsenault, architecte, lors de notre deuxième réunion avec Bruno Verge à Tergos. La première chose que l’on remarque chez Annabel est son air serein. Son regard franc est authentique et lorsqu’elle sourit, deux fossettes généreuses encadrent son sourire. Elle est très patiente et sa capacité d’écoute est impressionnante. Notre deuxième rencontre consistait dans la signature du contrat et notre première visite du terrain à Saint-Irénée où l’arpenteur-géomètre, Dave Tremblay, nous attendait avec son équipe. En route pour Charlevoix, je précisais nos idées pour les plans de la maison et j’ai remarqué qu’Annabel et Bruno prenaient des notes. Ils ne perdaient pas leur temps, ni le notre.
Arrivés au terrain, Pierre rassembla toute l’équipe pour cette rencontre préliminaire et il y eut un échange d’information et de stratégie. Avec les données de l’arpenteur-géomètre, on pouvait visualiser mieux l’emplacement de la maison, l’écoulement des eaux de surface, la localisation du puits artésien et de la fosse septique.  Le concret s’enracinait doucement comme par osmose. Une topographie 3D serait disponible pour faciliter la tâche des architectes pour bien ancrer la maison dans son environnement tout en protégeant ce dernier.
Bruno Verge nous partage sa vision.
Quand Bruno prit la parole, il parlait de volume et de matériaux nobles. Il expliquait comment la fenestration généreuse de la maison pourrait sculpter la lumière au cours des saisons.  Je voyais la maison s’ériger devant moi avec un style épuré, fusionnée à l’environnement et interpellant nos sens.  C’était loin des looks dans les magazines, le syndrome de la grosse maison surchargée de pignons en vinyle et de fausse pierre.  L’esquisse qu’il décrivait était intemporelle et avait une limpidité assurant une résidence performante intégrée à son environnement et respectueuse de notre bien-être. Pendant que Bruno partageait sa vision, Annabel prenait des photos et notait. Son silence était très éloquent. Elle voyait déjà notre quotidien et le potentiel de cette construction. Ensuite, nous sommes descendus au bord du fleuve. Toute cette mouvance bleue ne cesse d’impressionner les gens qui viennent voir notre terrain.  C’est presque une trêve obligatoire d’aller au bord de l’eau et de regarder vers l’infini.
La maison de mes ancêtres 
Finalement, en route pour notre retour à Québec, j’ai eu la chance de leur indiquer rapidement la maison de mes ancêtres à Château-Richer.  Sise sur la route Royale, on la voit de dos en passant sur la route 138. Construite entre les années 1790 et 1818, par François Rhéaume, elle est érigée sur une terre concédée en 1650. C’est en faisant mon arbre généalogique que je l’ai trouvé. J’expliquais à Annabel et à Bruno les émotions fortes que j’avais ressenties lorsque je l’avais vu pour la première fois.  Après avoir pris des photos, j’avais mis ma main sur un de ses murs et je lui avais murmuré : comme toi, nous sommes encore ici.
Château-Richer sur la Cöte de Beaupré
L’architecture, au-delà de tous les canons de la beauté, prend son importance parce qu’elle est la mise en scène de notre quotidien et de notre culture. Comme la maison de mes ancêtres, mon plus grand désir est que notre demeure à Saint-Irénée raconte notre petit bout d'histoire. Ayant dit ceci, je vis le sourire d’Annabel et je savais qu’elle avait tout compris.

La belle équation


Avez-vous déjà travaillé, avec une patience de bénédictin, pour résoudre un problème de maths au point où que vous en ayez la nausée? Le moment exact quand vous pensiez manquer d’oxygène, vous entendez le prof arriver et du haut de votre vision périphérique, un immense index descend lentement pour atterrir sur la page. Tout l’univers est arrêté, saisi dans le temps.  Retenant votre souffle, vous attendez le Big Bang. Parce que le prof est un professionnel avec tous les titres et les lettres de noblesse, il vous explique comment trouver la réponse sans vous la donner. Finalement, après une épiphanie et quelques illuminations de rigueur, vous trouvez la solution que vous transcrivez avec un grand soulagement sur la page qui vous attendait, et c’est à ce moment que la solution vous révèle son élégance. C’est la plus belle équation.  

J’ai souvent eu ce cauchemar quand je me sentais impuissante devant une situation que mon subconscient tentait d’élucider.  C’était du déjà vu quand vint le temps de trouver un architecte. Si vous n’avez jamais travaillé avec un architecte pour concevoir les plans de votre maison, je vous offre la visualisation suivante. Vous êtes assis devant une immense page blanche remplie de symboles. Le front perlé de sueur, vous respirez à peine pour ne pas trahir votre fébrilité. Ce n’est pas la maison de vos rêves, mais ce sont les idées de l’architecte et ce qu’il ou elle pouvait faire avec votre argent. Vous êtes maxés au bout parce que le prix au pied carré a doublé, plus taxe. Tout à coup, l’index tout puissant de l’architecte descend sur la page blanche pour vous guider à travers la maison de vos rêves que vous avez à peine à reconnaitre. On vous avait bien averti que travailler avec ces prima donna était un vrai supplice. De plus, ils ressemblent tous à Andy Warhol. Vous auriez pu acheter des plans dans un catalogue ou même une maison préusinée, mais non, vous vouliez une maison qui vous ressemblait, qui racontait votre histoire. L’architecte a tout deviné ceci et vous rend les esquisses. On se sent rapetissé, vraiment nul. En sortant de son cabinet, vous avez un goût amer dans la bouche. Vous auriez préféré aller chez le dentiste. C’est trop tard. Vous partez avec les plans sous votre bras droit parce que vous avez laissé votre bras gauche sur la table avec votre chèque.  Fin de la visualisation.

C’est ce que j’avais visualisé dans un flash quand mon conjoint me dit un soir, après avoir dessiné la nième version de notre maison, que nous avions besoin d’un architecte. Je refusais de croire que nous devions ajouter cette dépense à notre budget de construction encore moins, perdre l’équivalent d’une chambre à coucher pour nous le payer. Je ne voulais pas capituler. J’étais même insultée, mais voulant ma maison, je suis partie à la recherche d’un architecte.  Nous en avons interviewé quelques-uns. J’étais tellement méfiante, que je cherchais des indices pour voir s’ils étaient à notre écoute. Avant nos rencontres, on leur faisait parvenir les plans que Pierre avait dessinés pendant des mois ainsi qu’un document exhaustif avec toute l’information pertinente pour les préparer à la réunion. Dans une instance en particulier, l’architecte a complètement ignoré tout ce que nous avions préparé et nous a montré des plans déjà faits pour des maisons réalisées dans un projet antérieur. C’était du prêt-à-porter, exactement ce que nous ne voulions pas.  Si ce n’était pas le manque de connaissance en construction écolo de leur part, c’était le manque flagrant d’écoute participative. On parlait dans le vide.  Déçus, nous quittions encore plus perplexes, le bureau de l’architecte. C’est à ce moment que l’on pouvait ressentir la portée émotive de cette démarche. Il fallait trouver un architecte en qui nous aurions confiance, car nous lui confions notre dernière résidence, celle où nous allions vivre nos vieux jours en toute quiétude et autonomie. C’est pourquoi nous avons décidé de tout recommencer notre démarche en communiquant avec un autre technologue en architecture. Ce dernier écouta notre histoire et refusa poliment notre proposition. Cependant, il connaissait une bonne firme d’architectes à Québec qui avait raflé tous les honneurs dans le domaine de l’habitation écolo et il les recommandait fortement. Ceci dit, nous regardions leur site web et on communiqua avec eux pour les rencontrer. Dans deux semaines, nous allions rencontrer Bruno Verge, architecte chez Tergos Architecture et Construction écologique.

En lisant la page web de Tergos, nous étions intrigués par leur approche philosophique. C’est plus qu’une mission vision et elle va au-delà du branding typique utilisé dans le marketing des entreprises.  Tergos met l’accent sur la qualité de vie et qu’un monde plus vert commence chez soi. Ils disent même que pour changer le monde, il faut commencer par se transformer soi-même. Finalement, cette vision utopique est reliée à l’architecture verte et régénératrice.  Je vous avoue, en lisant leur affirmation, c’était comme regarder dans un miroir.  C’était rassurant.

Le matin de notre rencontre, nous nous dirigions à leur bureau sis dans l’ancien entrepôt de fourrures Wilfrid J. Lachance dans le vieux quartier de Saint-Roch à Québec.  Premier indice que le karma était positif : tout le monde souriait dans le bureau. Deuxième indice que les planètes s’alignaient en notre faveur : notre première impression de Bruno Verge.
Le quartier de Saint-Roch dans la ville de Québec




Les bureaux de Tergos
Assis dans une salle de conférence chaleureuse baignée de lumière naturelle, je me sentais détendue. Pierre commença son exposé, comme les autres fois et j’observais Bruno Verge.  Malgré un discours bien rodé, nous exposions nos désirs et besoins, parfois divaguant pour faire du coq à l’âne. Avec une grande délicatesse, Bruno Verge nous ramenait à notre fil d’idée ce qui nous indiquait qu’il nous écoutait vraiment. Ce qui a été le point de bascule pour nous est lorsque Pierre a mentionné qu’il était inquiet de l’éclairage sans préciser pourquoi. Bruno ramena la discussion pour s’enquérir au sujet de ses inquiétudes. C’est à ce moment que j’ai changé d’attitude. Travailler avec un architecte n'est pas une dépense excessive à faire grincer les dents. C'est un investissement  solide qui assure que nous atteindrons notre cible. On venait de trouver la perle cachée. De plus, Bruno viendrait voir notre terrain à Saint-Irénée pour visualiser la conception de notre résidence. En ce qui avait trait à l’architecture verte, nous parlions le même langage. Il ne fallait pas défendre notre point de vue. En regardant l’étagère dans la salle de conférence, on voyait les honneurs et mérites en architecture et construction verte attestant de la plus haute distinction. Le karma nous souriait. On était au bon endroit avec la bonne personne.

Après avoir cherché pendant des mois pour un professionnel qui prendrait le temps de nous écouter et de regarder les plans que Pierre avait réalisés laborieusement, nous l’avions finalement trouvé. En sortant du cabinet de Tergos, Pierre avait son sourire paisible et moi j’étais soulagée. On venait de trouver notre belle équation.

mercredi 19 août 2015

Les maisons préusinées: le prêt-à-porter dans l'habitation


Mon jeu de construction préféré
Quand j’étais petite fille, je jouais avec un jeu de construction fait de briques rouges emboîtables. Je croyais que les Legos étaient pour les enfants mieux nantis et je me contentais de mes briques en plastiques rouges. Ces briques étaient minces comme un crayon, et avaient des fenêtres et des portes blanches avec une toiture en carton vert. Mes maisons se ressemblaient toutes. Il n’y avait aucune façon pour les modifier encore plus les améliorer. La tâche devenait encore plus ingrate quand, pour une raison qui m’échappe, je commençais à mâcher les briques qui devenaient déformées et inutilisables. Au cours des mois d’hiver, ma saison de construction préférée, mes maisons devenaient de plus en plus petites faute de briques. Finalement, quand il ne restait que quelques briques que je n’avais pas mâchouillées, ma mère les faisait disparaître. J’attendais au prochain Noël pour le catalogue de Sears et j’encerclais le jeu de briques avec une plume rouge en espérant que ma mère dise au Père Noël que sa fille avait le goût de construire des maisons en plastiques rouges. J’aurais préféré un jeu de Meccano tout en métal, mais on me disait que c’était pour les garçons. De plus, le métal est plus difficile à mâcher.
Maison signée Joseph Eichler, architecte
Plus tard, je prenais des boîtes à souliers pour faire des maisons en découpant des fenêtres drapées de mouchoirs de papier pour les rideaux. Quand mes ambitions atteignirent leur paroxysme, je prenais les grosses boîtes de carton dans lesquelles on avait reçu les épiceries et je confectionnais des maisons pour mes poupées. Je faisais même les meubles avec des boîtes de céréales. Pendant que je m’adonnais à la construction de ces humbles domaines, je pouvais voir comment une simple modification changeait le volume et la lumière. C’était fini avec les briques rouges en plastique. Maintenant, la créativité était à la une et mes maisons avaient une allure du Mid-century modern, un style que les Baby Boomers connaissent bien. Cette architecture employait des formes plus organiques et moins formelles pour moderniser les quartiers bâtis avant la Deuxième Guerre mondiale. Plusieurs de ces résidences existent encore aujourd’hui et par chance, il y en a qui n’ont pas été cannibalisées. Quand je visitais mon fils à San Francisco, je voyais des quartiers entiers de maisons réalisées par l’architecte Joseph Eichler avec leur allure avant-gardiste et ce style épuré. L’architecture porte un intérêt spécial pour nous. Quand vint le temps de concevoir notre maison à Saint-Irénée, mon conjoint Pierre a mis des centaines d’heures sur la myriade de détails techniques. Pour ma part, je regardais le gros portrait ainsi que le potentiel innovateur écolo. C’est une synergie parfaite, une belle complicité. Notre Ying et Yang de la construction sauf réalisé en vert.  
 
Dans le blogue précédent, je vous parlais des plans vendus dans les catalogues et sur les sites Internet. Avec toutes les modifications que nous voulions apporter, cette option n’était pas viable pour nous. Nous avons donc regardé une autre option du prêt-à-porter dans le domaine de l’habitation : la maison usinée.

Les ventes de maisons de ce genre sont à la hausse. Même Ikea vend des maisons prêtes à assembler en Europe. Toyota fait de même au Japon. Je partage avec vous le même visuel d’un couple qui lit les instructions de la maison Ikea avec les plans étendus par terre et une Allen Key immense. Les maisons usinées ont déjà eu une mauvaise réputation faute de qualité. Aujourd’hui encore, malgré la hausse dans le marché, ce n’est pas le premier choix.
Maison présusinée IKEA (Allen Key inclue)
À première vue, ce que nous aimions de la maison préusinée est que nous pouvions en visiter. C’était du concret. Nous avons même visité des usines de fabrication où l’on peut voir de près l’évolution d’une maison, les conditions dans lesquelles elle est fabriquée, le choix du matériel et le centre de design. Il faut dire qu’il y avait des coups de cœur.

Nous avons aussi parlé avec des amis qui étaient en plein processus de bâtir avec une maison préusinée. Le concept semblait simple. Une maison usinée est une maison fabriquée en entier ou en partie dans une usine. On la transporte ensuite sur le terrain où il faut l’assembler et faire la finition. Lors de nos visites dans les usines, nous avons constaté qu’elles avaient des procédures différentes au niveau de la construction et de l’assemblage. Ceci avait un impact sur le transport de la maison. Il est surprenant de voir comment une maison entière arrive sur le terrain en respectant les règles de l’art. Parce que la maison est transportée, la structure est renforcée par des panneaux plus épais donc les maisons sont plus solides.  De plus, la maison usinée n’est pas une aubaine. Elle peut coûter la même chose qu’une maison bâtie sur le terrain. La qualité est donc comparable aux maisons traditionnelles tout en présentant certains avantages et désavantages. Cette liste est loin d’être exhaustive. De plus, plusieurs éléments pourraient s’ajouter selon l’expérience personnelle des propriétaires de ces maisons.
Avantages :

·        Usinée dans un environnement contrôlé avec des gabarits précis

·        Très grand choix de modèles et plusieurs modes d’installation comme l’auto construction, en réaliser une partie soi-même ou clé en main.

·        Si le fabricant inclut certains travaux, il devient responsable du travail des fournisseurs de ces services

·        Présentent de nouvelles options écologiques

·        Peuvent être certifiées Novoclimat 2.0

·        Dans certaines usines, on se préoccupe du recyclage du matériel

Désavantages :

·        On croit sauver de l’argent en faisait des étapes nous-mêmes, mais sommes-nous vraiment outillés pour le faire?

·        Les délais pour emménager dans une maison usinée ressemblent à ceux d’une maison traditionnelle

·        Il y a un risque de surprises désagréables si l’on fait le travail soi-même

·        L’assemblage de la maison est le grand défi d’une maison usinée

·        Il faut planifier l’analyse du sol, le coulage des fondations, le forage du puits, la fosse septique, les charpentiers, l’électricien, le plombier et le plâtrier entre autres en plus des permis.

·        Les concepts architecturaux plus complexes sont un défi à réaliser et augmentent les coûts.

·        Difficile de faire la livraison dans certains lieux

·        En autoconstruction, la maison n’est pas couverte par la garantie des maisons neuves du Québec à moins d’avoir un entrepreneur général qui coordonne les travaux, surtout la fondation, la charpente et la toiture.

·        Il faut vérifier les exclusions et surtout les suppléments pour les installer

·        Certains fabricants ont une clause dans leur contrat qui les décharge de responsabilité en cas de retard

·        Le service après-vente est un must surtout quand le fabricant utilise des sous-traitants

Après avoir visité les usines et les modèles, nous avons réalisé que dans notre cas, avec les changements, ce n’était pas pour nous. De plus, il faut réaliser qu’une maison préusinée est une coquille et qu’il faut faire le reste. Il était aussi plus difficile pour nous d’avoir une construction écolo parce que nous ne pouvions pas contrôler les phases de la construction qui avaient lieu en usine. Conséquemment, nous avons tiré notre révérence et rangé nos catalogues. Le prêt-à-porter en habitation n’était pas pour nous.  
 L’imagination se mêle au rêve et quand on peut le toucher du doigt, il devient une réalité.  La planète Architecte était un inconnu immense et on hésitait encore. Notre expérience antérieure était devenue une nouvelle conscience et un nouveau commencement. La seule constante était le changement qu’on apportait au design sur les plans de Pierre, car maintenant, on avait accumulé un bagage d’expérience et de formation avec des professionnels.  La maison devrait être certifiée selon des références internationales pour le design, la construction et son opération durable. La barre était dorénavant plus haute. Mieux visé haut que de faire le contraire et de viser trop bas et de l’atteindre. Maintenant, il ne fallait que choisir l’architecte.   

mercredi 5 août 2015

Planète Architecte



Léonardo de Vinci
J’admire les gens qui sont doués et qui mettent en pratique l’art et la science sans se questionner sur la primauté de l’une sur l’autre. On ne peut pas tous être des Léonard de Vinci ou ses archétypes, néanmoins, nous pouvons l’envier pour son don rare de l’intuition de l’espace.  


Pour certains, quand ils pensent à l’illustre Florentin, leur réflexion se limite à La Joconde, La Cène et l’Homme de Vitruve que nous avons vu parodié ad nauseam dans les salons de nos matantes.  Loin de représenter la formidable ampleur de son génie, son approche multidisciplinaire nous a légué une richesse immesurable. Il était connu aussi pour acheter des oiseaux en cage pour les libérer. On dit également qu’il aurait fait un séjour avec des extraterrestres et qu’il était végétarien. Tout ceci pour dire, que ces détails n’ont rien à voir avec l’architecture, mais je me suis attardée parce que c’est l’image que j’avais de l’architecte. Un de Vinci qui maîtrise l’art et la science pour bâtir, qui libère les idées en cage, qui vit sur un astéroïde différent de la nôtre comme le Petit Prince de Saint-Exupéry debout seul sur sa planète et qui est très organique dans sa démarche. Il faudrait ajouter aussi que physiquement, je caricaturais les architectes comme des clones d’Andy Warhol vêtu de noir. Je me disais aussi que seulement les mieux nantis pouvaient se payer un architecte parce que c’est une grande dépense farfelue.  Ceci est un mythe. Oui, je le concède, il y en a qui sont vêtus de noir, mais je vous pose la question suivante. Plusieurs d’entre nous n’hésiteraient pas une minute de payer un courtier en immobilier un pourcentage assez imposant pour la vente de leur maison et pourtant, lorsque vient le temps de considérer les services multidisciplinaires d’un architecte professionnel, certains d’entre nous penserions que ses honoraires ne valent pas le pourcentage demandé. Détrompez-vous.  Les prochains billets de ce blogue vous feront visiter la planète Architecte ou plutôt, comment réaliser les plans de sa maison de rêve sans que ça devienne un cauchemar. Toutefois, comme j’ai le goût de vous divertir, retournons allégrement dans le passé.

Imhotep
On dit que le premier architecte fut Imhotep, dont le nom d’après Wikipédia, signifie le sage qui entre dans la paix. Non seulement était-il le premier architecte, mais aussi un Vizir de l’Égypte antique où il a édifié la plus ancienne pyramide à degrés du monde. Il est aussi considéré comme le fondateur de la médecine égyptienne. Pas surprenant qu’il  soit un personnage divinisé. Tout cela, et il paraît qu’il n’était pas vêtu de noir.

Une autre référence aussi docte nous amène à Astérix et Obélix dans Mission Cléopâtre qui, pour défier César, désire construire en trois mois un palais somptueux en plein désert. Elle fait appel à un autre architecte célèbre, Numérobis, reconnu pour son énergie avant-garde. S’il réussit, elle le couvrira d’or. S’il échoue, elle le jettera aux crocodiles sacrés. Pas mince comme mandat même si on a Panoramix de notre côté.

 Au bout de la ligne, si vous voulez vraiment saisir l’importance d’avoir un architecte pour construire votre maison, je dirige humblement votre regard vers la Babylonie ancienne d’où aucun nom d’architecte n’est reconnu. Est-ce que la Babylone ancienne existe encore? Non. Les pyramides égyptiennes? Oui.  
Ainsi clôt ce billet sur la planète Architecte. Comme promis, les billets qui suivront vous feront visiter leur planète de fond en comble et comme le Petit Prince, vous verrez que l’essentiel est invisible pour les yeux. C'est bien le renard qui disait sagement au Petit Prince, si tu m’apprivoises, nous aurons besoin d’un de l’autre.  

vendredi 31 juillet 2015

C'est à cause de Samuel de Champlain




Samuel de Champlain sans GPS
Le choix judicieux d'un terrain est plus qu'un coup de cœur. La topologie du terrain est un des déterminants principaux qui influencent le genre de maison et le style de vie que l'on envisage. De prime à bord, lorsqu'on est en mode auto-construction, on est parfois porté à acheter un terrain avec notre cœur et nos yeux tout en se laissant chicoté par nos instincts qui nous interrogent sur nos connaissances techniques et la logique de notre choix. C'est pourquoi il est fortement conseillé d'acquérir le terrain avant de faire les plans de la maison. La topologie affecte tout. Posez des questions à la MRC. Mieux avoir l'air naïf que niaiseux.  Une fois renseigné, on perd notre naïveté, mais une fois l'erreur commise, on reste niaiseux longtemps. N'oubliez pas, un jour, vous allez payer des taxes à cette municipalité. C'est le temps de voir le genre de services que vous allez avoir.
Cadastre en main, nous avons marché le terrain de long en large, tant bien que mal avec la végétation. On joue au touriste et au détective quand on regarde un terrain pour la première fois. Il est difficile de lire un terrain surtout quand les paliers sont cachés sous une végétation épaisse. De plus, la nature du sol ne révèle pas ses secrets même si dans notre cas, on voyait le roc à fleur de sol à certains endroits. Un autre point d'interrogation sont les voisins, surtout lorsque ce sont tous des terrains vierges. Heureusement qu'il y a des servitudes pour préserver le cachet de l'endroit. Dans notre cas, nous sommes dans une zone de villégiature et les servitudes de la MRC de Charlevoix et des Domaines du Ruisseau-Jureux assurent une harmonisation des couleurs, des matières ainsi que tout élément pouvant affecter la construction de résidences privées. Nous avons choisi de vivre dans Charlevoix, et plus spécifiquement à Saint-Irénée non seulement pour le paysage à couper le souffle et les gens sympathiques, les arts, alouette, mais aussi pour le cachet charlevoisien. Il faut le préserver. Finalement, Dame Nature entre dans les enjeux et devient notre priorité pour la conserver. C'est un privilège de vivre sur le bord du fleuve Saint-Laurent. Quand on le voit avec la faune aquatique, on ne se pose pas la question deux fois. Ce n'est pas tout le monde qui peut dire qu'ils ont des baleines dans leur cour!
On a beau s’imaginer notre maison éco de rêve sur le terrain coup de cœur, mais rien ne peut commencer tant que l’arpenteur-géomètre ait mis les deux pieds sur notre petit terroir pour nous indiquer où sont ses limites. L’arpentage est une partie essentielle du processus de conception et de construction. Malgré tout le débroussaillage qu’on ait fait dans la dernière année, et les randonnées en raquette l’hiver avec notre Garmin muni d’un logiciel topo pour lire le relief du terrain, ce dernier refusait de nous livrer ses secrets. Consulter les plans lors de l’achat ou aller sur Google Earth pour voir le terrain par satellite ne donne qu’une idée du terrain. C’est la topo qui compte surtout quand il y a des paliers et des défis dans la conception technique de la maison.  De plus, il y a les servitudes de la municipalité et du promoteur. Ceci dit, il faut sortir les gros canons, car notre compréhension en géomatique est limitée et tout ce que nos piètres connaissances nous indiquaient, c’est qu’on tournait en rond pour trouver l’emplacement de la maison afin qu’elle soit écologique, écoénergique et maximiser notre vue imprenable sur le fleuve. L’arpentage est une des assises de notre investissement, car l’information a une valeur archivistique. Donc, c’était la prochaine étape importante pour nous. Mais avant, il faut reculer dans le temps. C'est à cause de Champlain.
               Pourquoi parler de Champlain? C’est qu’en 1626, il fut le premier arpenteur du Canada. Juste à y penser, il a tout mon respect, car je me l’imagine en train de se battre avec les aulnes de
Dave Tremblay a.g.
l’enfer comme nous l’avons fait, pour partager les terres de la Nouvelle-France en créant les seigneuries sur les vastes étendues de terres le long des rives du Saint-Laurent. En regardant notre petit bout de fleuve à Saint-Irénée, Pierre et moi sympathisons avec lui, mais comme Champlain, on s’en est bien tiré.  Nous avons embauché Dave Tremblay a.g. de la firme Tremblay & Fortin, arpenteurs-géomètres à Baie-Saint-Paul. Ils ont aussi un bureau à La Malbaie. Nous avons choisi Dave Tremblay parce qu’il nous avait impressionnés personnellement. Nous avons fait sa connaissance l’année dernière, en plein hiver pendant que nous marchions les terrains pour faire l’achat. Ayant trouvé un terrain à notre goût dans le bout de Saint-Irénée, nous voulions faire une offre d’achat, mais nous devions avoir des photocopies. Ne sachant pas où aller, nous avons aperçu le bureau de Dave Tremblay à Baie-Saint-Paul, et tout bonnement comme un poil sur la soupe, nous nous sommes présentés pour faire des photocopies. Il aurait pu refuser. Non seulement nous a-t-il laissés faire nos copies, mais son accueil était chaleureux. Il nous a même expliqué ce que nous devions rechercher. Conséquemment, nous sommes sortis de son bureau photocopies en main et surtout informés. L’offre d’achat ne fut pas acceptée et comme ma mère disait, c’était un bien pour un mal. Quelques jours après, on trouvait notre coup de cœur dans les Domaines du Ruisseau-Jureux. Nous n’avions pas oublié Dave et c’est pour toutes ces raisons que nous l’avons choisi. Il serait un membre précieux de notre équipe.

      
          La première rencontre sur le terrain avec Dave et son équipe fut productive et informative. Ses explications nous aidaient à visualiser où pourraient être située la maison, la fosse septique, le chemin et surtout les bornes. Il ferait aussi un test de percolation. Dave a pris le temps pour discuter avec nos architectes Bruno Verge et Anabel Arsenault de la firme Tergos, ainsi que Normand Duchesne, contracteur qui étaient venus visiter le terrain. Dave a répondu à toutes nos questions. 
          En tout, à la fin de l’exercice, nous avions en main tout ce dont nous avions besoin pour entamer la prochaine étape de notre projet. Non seulement avions nous toute la documentation, mais aussi une représentation en 3D de la topographie qui servirait aux architectes pour situer notre maison en 3 D également, le tout animé avec les jeux de l'ensoleillement lors de l’équinoxe et du solstice. Champlain aurait été fou comme un balai (ma mère disait ça aussi). Je peux le voir assis avec son portable en train de placer les seigneuries pendant que les colons font la file.
          Entretemps, Pierre et moi retournons avec nos tronçonneuses et nos whippettes pour libérer les beaux pommiers rustiques, les lilas et les rosiers sauvages. De temps en temps, on s’arrête pour regarder les vraquiers passer sur le fleuve en s’imaginant qu’un jour, on le fera assis sur notre belle terrasse.

mercredi 1 juillet 2015

La descente en enfer




C’est en juillet 2014 que nous avons décidé naïvement, car les canicules étaient omniprésentes, d’aller défricher notre terrain pour avoir une idée où placer la maison sur le plateau. Nous avions repéré une borne entre nous et le terrain voisin ce qui nous donnait une idée vague de la vraie étendue du terrain. Sur les plans et Google Earth, on pouvait voir la propriété, cependant dans le vrai monde, quand on marche sur un terrain encore en friche, ce n’est pas évident du tout. De plus, Pierre était déjà dans la conception du plan de la maison et il fallait explorer les possibilités d’accréditation éco selon un système de pointage attribué à la position de la maison pour l’ensoleillement et les vents d’hiver. De plus, on voulait maximiser notre vue sur le fleuve pour les pièces que nous occuperions. L’œuf devait venir avant la poule. On ignorait que la poule, on la trouverait en enfer.
Armés de nouveaux jouets coupants comme une tronçonneuse pour laquelle on avait savamment visualisé la vidéo de formation, des débroussailleuses et nos sandwiches, nous avons commencé le débroussaillage d’un plateau où il nous semblait logique de situer la maison. Après quelques heures de dur labeur pour deux intellos novices (lui coupait, moi je ramassais), il était évident que nous avions sous-estimé la tâche. Primo, ce n’était pas le meilleur temps de se lancer en plein bois pour défricher, car les canicules étaient accablantes. Secundo, malgré nos meilleurs efforts, les aulnes de l’enfer gagnaient. On aurait dit qu’elles se régénéraient au fur et à mesure qu’on les coupait. Nos fameuses débroussailleuses étaient trop petites. Il nous fallait une grosse Bertha. Tertio, le plus qu’on croyait faire du progrès, le plus qu’on réalisait à notre plus vive déception, que la superficie que nous avions défrichée était minuscule. Tous les soirs, nous reprenions la route la tête basse. Après une douche bien méritée, on allait se coucher avant les poules pour récupérer nos forces et soigner nos courbatures imaginaires et réelles.

Nous avons répété cet exercice pendant deux semaines sauf la fin de semaine quand nous revenions à Gatineau pour nous ravitailler. La troisième semaine, tout en coupant le bois et gémissant quelques paroles ecclésiastiques, on entendit le ronronnement d’une pelle mécanique. Enfin, un signe de civilisation parmi les aulnes de l’enfer!  Le bruit de la pelle mécanique venait de chez notre voisine qui faisait creuser son puits. Je n’ai point besoin d’allonger le récit. En un clin d’œil, nous avions embauché Claude Tremblay, d’Excavation TB qui, après avoir inspecté le terrain, nous annonça qu’il prendrait le contrat et qu’il défricherait la zone désirée en plus d’empiler les arbres qui seraient bons pour le bois de foyer.  Les planètes venaient de s’enligner.

 Quelques semaines plus tard, comme promis, Claude défricha la zone et le palier apparut miraculeusement devant nous. Pour la première fois, on pouvait visualiser à peu près où la maison serait située. Il ne restait maintenant que revenir à la première neige pour brûler l’immense tas de débris que Claude avait gentiment tassé pour nous au centre de la zone.

Novembre, la première neige venait à peine de tomber que nous étions revenus au terrain avec notre plan de match pour brûler notre fameux tas d’arbres.  Je me souvenais d’avoir vu les fermiers brûler les arbres dans leurs champs et le tout semblait simple. Appelle la municipalité pour les avertir. Allume. Surveille. Attends. Finito!  Pour ajouter à notre stratégie, j’ai visualisé des vidéos sur YouTube pour voir comment les autres s’y prenaient pour brûler en toute sécurité et avec efficacité. 

Armés de tout notre attirail, nous avons allumé le feu vers les 9h du matin. Le vent était calme et le feu était docile. La municipalité avait été avertie et quand les voisins passaient pour vérifier d’où venait la fumée, on se donnait une allure que nous savions exactement ce que nous faisions et on leur faisait signe que tout était beau. Vers midi, en mangeant nos sandwichs, on pouvait voir que les vraquiers suivaient la côte  du fleuve un peu plus près que d’habitude. Sans doute qu’ils regardaient le feu.  On leur faisait des signes avec un grand sourire comme s’ils pouvaient nous voir. Je pouvais m’imaginer le capitaine du vraquier nous regarder avec des jumelles et hocher de la tête.


Vers les 15 h 30, il était évident que la saga du gros tas allait s’éterniser.  La pénombre s’annonçait et le feu brûlait encore. Envisageant que nous passerions la soirée à surveiller le feu, je suis allée chercher des ravitaillements au Métro de La Malbaie. Je savais que je sentais la boucane, cependant, il aurait fallu jeter un coup d’œil dans le rétroviseur avant de débarquer de la voiture pour acheter notre souper. J’ai remarqué que dans le Métro, les enfants avaient peur de moi et que leurs parents avaient la bouche bée. Néanmoins, j’ai terminé mes emplettes.

Arrivée au terrain, je servais notre souper dégusté non à la chandelle, mais devant un feu qui ne voulait pas mourir. C’était de toute beauté. La nuit avait apporté ses étoiles. À Charlevoix, le ciel étoilé est un des meilleurs attributs de la région. Il  y a même un Observatoire astronomique à La Malbaie.  Les vraquiers continuaient à sillonner la côte avec toutes leurs lumières. On aurait dit des forteresses flottantes. Le gros tas d’arbres avait sensiblement baissé et nous regardions le brasier continuer à briller dans la nuit.  Les cendres rouges avaient l’air de la lave. De temps en temps, on se levait pour brasser les cendres ou les souffler avec le souffleur à feuille pour hâter le processus. Finalement, vers les 22h30, c’était fini.


En retournant au Domaine Forget où nous avions loué un studio, nous avons eu la surprise de notre vie. En se dévêtant, on s’est vu pour la première fois dans le miroir de la salle de bain. Crampés, on ne pouvait pas arrêter de rire. Nos figures étaient noires comme l’ébène. C’est à ce moment que j’ai réalisé pourquoi les enfants avaient eu peur de moi au Métro.

Le lendemain matin nous sommes retournés voir le résultat de notre feu.  La chaleur avait été si grande que la terre sous le feu avait cuit. Satisfaits que tout fût en ordre, nous sommes allés faire une marche sur le bord du fleuve en lui promettant qu’on reviendrait au printemps pour arpenter.

La morale de cette histoire. Même si les colons ont visualisé la vidéo de formation sur les tronçonneuses, le bois est loin d’être coupé. Quand ça prend une grosse Berta, ça en prend une pour le vrai.  La prochaine fois, faire des plus petits tas pour avoir une vie. Se regarder dans le miroir avant d’aller chez Métro pour ne pas faire peur aux enfants.  La descente en enfer arrive vers les 21 h 30 du soir après plus de douze heures de surveillance quand tu réalises que tu es encore pris avec un maudit tas qui ne veut pas finir de brûler puis qu’il ne reste plus de croustilles ou de papier de toilette. Une consolation : au moins en novembre, les maringouins n’étaient pas trop féroces.

jeudi 18 juin 2015

Écochic: vert c'est le nouveau black.


Quand j’enseignais à la formation des maîtres à l’Université d’Ottawa, mes étudiants aimaient citer des auteurs pour ancrer leurs arguments. Je les taquinais, hochant de la tête calmement, en les avertissant de ne pas être de ceux qui sont tellement obsédés avec la contre-culture et des prétentions sociales qu’ils perdraient la capacité de penser en réprimant toute originalité même s’ils n’en avaient jamais eu . Qu’en réprimant leur identité personnelle, qu’ils seraient tellement hip qu’ils seraient simplement tragiques. J’avais peur que cela m’arrive en devenant vert .
Pierre et moi avions laborieusement fréquenté les salons d’habitation avec leurs spécialistes pour repérer des ressources et les nouvelles tendances en construction d’habitation. Nous avons assisté à plusieurs causeries réalisées par des représentants hautement spécialisés. Un formateur passionné qui nous a inspirés est Emmanuel Cosgrove, entrepreneur en construction écologique, cofondateur, directeur général et porte-parole d’Écohabitation, un organisme à but non lucratif en construction et en rénovation écologique.  Emmanuel nous a impressionnés.  Ce jeune visionnaire se démarque par son gros bon sens le plus pur du pratico-pratique. En d’autres mots, il pratique personnellement ce qu’il prêche et cette crédibilité est importante pour les néophytes que nous sommes.

En furetant le site d’Écohabitation, qui est le nec plus ultra dans les ressources en habitation écologique, nous nous sommes inscrits à deux formations sur les principes de l’écoconstruction et l’intérieur sain et écologique. Je suis de nature méfiante. Pierre était emballé, pour ma part, ce n’était pas encore vendu.  Malgré l’excellente présentation d’Emmanuel au Salon de l’habitation, j’étais sceptique. Je m’étais mise dans la tête que nous allions passer toute la journée dans un environnement archiorganique, en mâchouillant des germes de luzernes, baignant dans une litanie anticonsommation énergivore, écolo au bout. En arrivant dans le quartier des bureaux d’Écohabitation,  j’étais déjà aux aguets. Restaurant biovégétarien de rigueur. Allure plutôt Bohême chic du quartier. Bref, je devais surveiller mon cynisme. Le quartier, l’édifice et le bureau étaient tellement sans prétention, que cette antiprétention en devenait une. C’était du branding vert mur à mur. Je commençais à regretter mon choix de venir passer deux jours de formation quand j’aurais pu fureter pour l’information sur l’Internet. En voyant l’enthousiasme de Pierre, je me suis résignée tout en grommelant quelque chose de vague que la Green Peace viendrait me chercher pour ma dissension. Heureusement que je me suis trompée. La Green Peace m’a laissée en paix.
Les deux formations furent non seulement valables pour leur contenu et pour le matériel distribué, mais il y avait une belle synergie dans le groupe composé d’entrepreneurs, de designers, d’étudiants, et d’individus comme nous qui se lançaient en écoconstruction en plus d’une bête rare, une courtière immobilière qui terminait sa formation ÉcoCourtier. Emmanuel connait son affaire. C’est même dans ses gênes, car il cite son père dans ses expériences en construction éco qu’il réalise encore à ce jour. L’expérience de ces deux hommes vaut son pesant d’or. C’est plus crédible que de fureter l’Internet et de lire la théorie ou de visionner YouTube.  Pour en connaître plus, je vous invite à vérifier les liens dans ce blogue. Vous ne serez pas déçus.

Quand l’heure du midi arriva, en mangeant mon burger végétarien avec les collègues du cours, nous étions encore sous l’effet Emmanuel. Il avait livré la marchandise. Emmanuel est devenu notre guru dans l’écoconstruction. Ce fut la même expérience lors de la deuxième formation que nous avons eue avec lui. Mon scepticisme s’était évaporé. Il n’en restait même pas une poussière. La boîte de Pandore était ouverte. Pierre et moi y avions plongé. C’est devenu la base de notre nouveau credo en écoconstruction et la source d’un questionnement sérieux sur les stratégies à suivre quant à l’utilisation de notre terrain coup de cœur que les pratiques à suivre sur le chantier de construction et le résultat final, notre maison verte.  
La morale de cette histoire : bien loin d’être une contre-culture ou une prétention sociale, ce que l’on croit être une tendance ne l’est pas lorsqu’elle est soutenable et que les acteurs principaux sont redevables. La transparence en construction durable d’habitation a une couleur et c’est le vert. Vert c’est le nouveau black, le nouveau ecochic prêt-à-porter.